Hajar Mohammed-Ali est patiente partenaire en formation pour devenir experte et se mobilise également sur les réseaux sociaux pour parler du diabète type 1. Âgée de 29 ans, cela fait 23 ans qu’elle vit avec cette maladie chronique. Elle nous parle aujourd’hui de son quotidien, des différentes phases de l’acceptation de la maladie, de l’équilibre vie personnelle / vie professionnelle, des actions à mettre en place et de l’importance de témoigner pour aider les autres. Entretien.
Quand on a une maladie chronique, « l’acceptation » n’est pas une fin en soi, c’est un processus qui s’opère et se répète tout au long de notre vie. Depuis mes 6 ans en 1999, lorsque j’ai eu mon diabète, jusqu’à aujourd’hui quand j’ai commencé à mieux vivre avec, il y a eu beaucoup d’allers-retours entre les différentes étapes de l’intégration de la maladie dans ma vie. C’est-à-dire : le déni, la résistance, la rébellion, la négociation, l’auto-évaluation et l’acceptation/intégration active.
Il y a eu des moments où je vivais mon diabète comme un lourd fardeau car je n’étais pas capable de le gérer correctement seule. Victime d’une maladie que je n’avais pas choisie, je ne voulais montrer mon besoin d’aide à personne de peur que cela devienne une raison de me traiter différemment. Cette mentalité a malheureusement eu un impact négatif sur ma vie personnelle et professionnelle.
Avec l’expérience, on se rend doucement compte que chaque étape énumérée précédemment est nécessaire et nous aide à mieux gérer notre diabète en fonction de l’instant.
Le but est donc de s’écouter, de prendre le temps, de reconnaître ses émotions, ses besoins, et de passer plus en plus de temps dans les étapes de “l’acceptation” qui nous sont bénéfiques sur le court, moyen et long terme.
L’impact était surtout constitué de retards répétés dû aux hypoglycémies et hyperglycémies fréquentes. Des conversations où j’avais l’esprit ailleurs car focalisée sur ma glycémie, des cours où j’avais du mal à suivre, des malentendus avec mes amis car je cachais les causes réelles de ces problèmes, par peur des préjugés autour du diabète ou du jugement sur la gestion de ma maladie.
Je me sentais obligée de compenser les retards ou les besoins de pauses par des résultats plus convaincants que ceux des autres, afin de ne pas souffrir de discriminations. Je sentais tout de même le regard et le jugement de mes supérieurs à chacune de mes interruptions.
Cette méthode était bénéfique sur le court terme mais mon corps, mon mental et mon esprit ne pouvaient plus la supporter, je n’avais pas le temps d’apprendre comment mieux gérer mon diabète. À la suite de ces quelques mois très intenses, j’ai dû prendre plusieurs semaines de congé à cause d’une immunité affaiblie. Après cette période, j’ai pu reprendre le travail dans les mêmes conditions désastreuses mais j’ai vite décidé d’arrêter pour prendre soin de moi car je me sentais impuissante, incapable et démotivée. J’ai ensuite réalisé petit à petit que je devais commencer par apprendre à gérer mon diabète.
Selon moi, il y a autant de raisons qui poussent une personne malade à cacher sa pathologie que de patients.
D’après mon expérience et celles des patients avec lesquels j’ai pu échanger, je pourrais dire que les principales causes sont la peur de la discrimination, la peur du jugement (préjugés sur la maladie, sur la personne ), la peur d’être licencié ou de ne pas être embauché, la peur d’être considéré comme inapte ou incapable, les réactions incertaines suite à l’annonce de la maladie et la peur de provoquer du ressentiment chez les collègues à cause de certains aménagements (pauses plus fréquentes, retards… )
Au moment où j’ai commencé à parler de ma maladie, je me suis d’abord sentie honnête et écoutée, car lors de l’entretien, mon employeur m’a directement demandé si cela allait affecter ma productivité et si j’avais besoin d’aménagements. En général, le diabète n’en a pas besoin de beaucoup à part pour de plus fréquentes pauses et des horaires légèrement flexibles. J’ai donc été soutenu par mon responsable et mes collègues lors de mon dernier poste, et cela sans jugement.
Parler de sa maladie apporte le sentiment d’être écouté, le soutien et la compréhension de l’employeur ainsi que des collègues, la liberté de prendre son traitement sans se cacher, le sentiment d’être en sécurité en cas d’urgence et se sentir libre d’être pleinement soi-même.
Je pense que si j’avais connu d’autres patients DT1 partenaires ou experts, j’aurais pu bénéficier de beaucoup plus de soutien et de courage. Cela m’aurait aidé à mieux prendre en main ma maladie tout en ayant de nouvelles techniques et informations pour être plus productive. Des évènements de sensibilisation ou d’initiation à la gestion du diabète de type 1 m’auraient aussi aidé à mieux me préparer à la vie professionnelle et au côté administratif qui lui est lié.
Si on veut rester performant sur le long terme, l’une de nos priorités doit être notre santé. Vous avez donc besoin de prendre soin d’elle, de connaître vos capacités, vos limites et vos besoins. Si de l’aide vous est nécessaire, vous pouvez demander à faire ou refaire un stage en insulinothérapie fonctionnelle et / ou prendre rendez-vous avec un patient partenaire pour échanger.
Si tout va bien, que vous gérez bien votre maladie sans incident et que vous avez confiance en votre employeur et en vos collègues, vous pouvez dévoiler votre maladie si vous ne l’avez pas déjà fait. Ceci a pour but de vous aider en cas d’urgence (hypoglycémie ou hyperglycémie sévère). Gardez à l’esprit que ne pas le faire reste votre droit.
Si vous pensez que votre productivité risque de diminuer à cause de votre maladie, prenez contact avec le médecin de travail afin qu’il en informe votre employeur.
Si vous avez besoin de vous absenter pendant des réunions, vous pouvez prévenir les participants en amont afin qu’il vous fasse parvenir un compte rendu détaillé.
Gardez avec vous un encas facilement ingérable en cas d’hypoglycémie et si vous avez besoin de plus d’aide, n’hésitez pas à contacter la Maison Départementale des Personnes Handicapées et la Fédération Française des Diabétiques.
En plus de ce que vous avez chez vous et avec vous, gardez toujours un kit de secours sur votre lieu de travail contenant vos insulines au cas où vous l’oubliez ou que votre pompe s’arrête, une boîte de bandelette et un lecteur / capteur supplémentaire. Si possible un glucagon (au frigo) en cas d’hypoglycémie sévère et des encas pour vous resucrer.Prenez note sur votre téléphone ou carnet des glycémies, des changements et des besoins de votre corps pour vous aider à repérer les schémas qui se répètent et arranger votre traitement (à l’aide de votre médecin) ou votre emploi du temps selon vos besoins.
Ayez des amis, des collègues diabétiques ou non diabétiques qui vous soutiennent, sont capables de vous aider en cas d’urgence, de vous écouter, ou de vous proposer des solutions pour vos difficultés rencontrées au travail. Si besoin, n’hésitez pas à contacter des patients, partenaires ou experts.
Et surtout, n’oubliez pas de vivre ! Il y aura toujours des hauts et des bas, tant qu’on fait de notre mieux pour rester dans les objectifs, on ne peut qu’être fier. Comme on dit, « Aujourd’hui, on n’adapte plus notre vie au diabète, c’est le diabète que l’on adapte à notre vie », alors épanouissez-vous !
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