Merci à Karine pour son témoignage qui livre plein de conseils pour conjuguer activité professionnelle et maladie chronique.
Moi c’est la bouteille d’eau mon objet. Elle est devenue essentielle à ma vie depuis que je suis transplantée rénale parce que j’ai 3 litres de liquide à boire par jour. La bouteille d’eau c’est vital, si je ne bois pas d’eau le greffon fonctionne moins bien. Et comme on dit l’eau c’est la vie. Je dirais que c’est assez représentatif de mon évolution à tous les niveaux.
J’ai 46 ans. Je réside dans l’Aube, en Grand Est et je n’ai pas d’enfants. Au niveau professionnel, je suis titulaire d’une Maîtrise en Sciences et Techniques, chefs de projet dans les nouvelles technologies. J’ai travaillé en tant que réceptionniste et chargée de communication pendant plus de 19 ans dans un hôtel. Ensuite, en septembre 2017, l’hôtel a fermé. J’étais déjà malade depuis plusieurs années, donc j’envisageais une reconversion. En janvier 2018, je me suis intéressée justement à toutes les formations en santé qui m’étaient accessibles et j’ai suivi des formations pour devenir patient partenaire, patient expert pour pouvoir intervenir dans des formations, pour être dans des référentiels de compétences, pour préparer des guides, des interventions à destination des patients, mais aussi des professionnels de santé. Depuis novembre, je fais un D.U à Nancy en lien avec le partenariat entre patients et professionnels de santé, et prochainement je vais intégrer un poste au sein d’une association.
Au niveau médical, j’ai été diagnostiquée en 2004 avec une sclérose en plaques. J’ai fait une seule poussée. J’ai refusé le traitement à l’époque parce que j’étais en pleine santé. Il y avait beaucoup d’effets secondaires pour le traitement et je ne me sentais pas du tout à ce moment-là, je dirais presque concernée, donc j’ai continué comme ça tranquillement.
En 2008, j’ai eu un autre diagnostic qui m’est tombé dessus. En rentrant de vacances j’étais très fatiguée et je pensais faire de l’anémie. Mon médecin traitant m’a dit: « on fait un check-up ». Et là après une échographie rénale complémentaire au bilan sanguin, le diagnostic de polykystose hépato-rénale est tombé.
La petite anecdote qui fait sourire, c’est que je suis originaire de la région Champagne et on dit que les reins polykystiques sont décrits comme des grappes de raisins. Maladie silencieuse, maladie asymptomatique dans mon cas personnel. Mais les maladies rénales sont en général silencieuses. Normalement il s’agit d’une maladie héréditaire. Mais j’ai découvert que j’étais ce qu’on appelle en génétique un cas novo, c’est-à-dire que je suis la seule et l’unique, que je suis la première à avoir cette pathologie dans ma famille.
J’ai dû adapter mon planning de travail en fonction des rendez-vous du CHU parce qu’au tout début, j’ai refusé d’en parler. J’ai laissé faire un peu les choses tenant compte du contexte. Je me suis organisée de façon à caler mes rendez-vous quand j’étais en repos. Le problème, c’est que ça s’est accéléré au niveau des rendez-vous et en décembre 2011, ça allait encore plus s’accélérer puisque j’allais rentrer en dialyse, il y avait des examens pour la greffe donc il fallait que je commence à en parler.
Alors je vais te dire je n’ai pas été très franche dans le sens où l’hôtel a fermé en décembre. Et donc, c’est moi qui terminais le dernier jour avant les vacances. J’ai laissé simplement un mot sur le bureau de la réception en expliquant la situation et les étapes. Parce que c’était une entreprise familiale.
Et quand je suis revenue, en janvier 2013 en poste, on m’a demandé « cela va s’organiser comment? ». Il y a eu plein de questions après concernant surtout l’impact de la gestion de ma maladie avec le travail.
J’ai pu gérer les rendez-vous médicaux et mon travail, ils n’ont jamais eu à me remplacer pour cela.
J’étais en remplacement de ma collègue quand le CHU de Reims m’a prévenu que j’allais recevoir une greffe. Ma première pensée, quand ils m’ont appelé à 23 heures, c’était mais moi, je travaille demain, je fais comment ? Ma collègue n’est pas là, ma direction ne devait pas me remplacer. J’ai donc dû faire une transplantation et par contre, j’ai été en arrêt de travail cinq mois et demi. Le conseil des néphrologues, c’était de ne pas contacter, ma direction, ma collègue, c’était de faire une coupure complète car la première année de transplantation n’est pas la plus calme. Trois fois par semaine, j’allais sur Reims. Donc, c’est fatigant. J’ai eu aussi des hospitalisations entre-temps. C’est vrai qu’entre les hospitalisations, les rendez-vous, la première année est très fatigante.
Pour mon retour, ma collègue s’est mise en arrêt et mon mi-temps thérapeutique a été refusé d’office sans savoir qu’elle allait se mettre en arrêt. Après cinq mois et demi, je n’avais plus aucun repère.
La reprise fut difficile mais malgré tout j’ai assuré. J’avais des clients adorables qui attendaient que je revienne et qui ont pris des nouvelles. J’ai tellement coupé que c’était difficile au départ. Les 3 premiers jours ont vraiment été difficiles.
Pour ma part, cela permet en fait d’être dans la normalité. La maladie est là, c’est un fait. Maintenant, on est censé mener une vie normale. Donc, le travail, ça permet aussi de ne pas être isolé socialement. Je mène ma vie normalement, tout simplement. Ça fait aussi une échappatoire.
Le travail c’est un moteur et même un facteur de santé. Quand tu peux et quand tu as les capacités de pouvoir le conserver et de le garder, c’est essentiel.
Ce qui m’a manqué ce sont des informations sur le droit des malades. Je ne connaissais pas l’adaptation du poste de travail. On m’a parlé du mi-temps thérapeutique mais c’est tout. Après il faut que l’entreprise accepte et le secteur de l’hôtellerie restauration est très particulier. Je ne savais pas non plus que je devais avoir un maintien de salaire et que mon employeur devait me verser un complément de salaire. Je n’étais pas non plus au courant pour l’invalidité, je ne l’ai appris que très récemment pour mon cas, moi, je me suis mise en invalidité après mon licenciement en 2018 seulement. Globalement nous connaissons mal nos droits.
Les néphrologues, dès le début, m’avaient parlé de la reconnaissance de travailleur handicapé (RQTH). Même si à l’époque le licenciement n’était pas évoqué on m’avait dit si un jour ça se passe mal il vaut mieux que tu aies ta RQTH. Ma première réaction ça a été « mais je ne suis pas en situation de handicap » ! Mais ça protège : en cas de licenciement économique, on perçoit une indemnité spéciale qui est égale au double de l’indemnité légale. Par contre, c’est vrai que si l’employeur est assez à l’écoute, qu’il propose beaucoup de choses, mais que ce n’est tout de même pas envisageable pour l’employé qui est malade, il y a une possibilité aussi d’être en inaptitude et non en invalidité. C’est encore autre chose.
En tant que patiente, pour trouver de l’information, l’association de patients m’a un peu guidé mais heureusement que j’ai surtout posé des questions. La CPAM aussi qui m’a parlé du maintien de salaire. Pour l’invalidité, c’est un oncle qui m’en a parlé, donc un proche. C’est compliqué d’avoir l’information. Les associations de patients restent, quand même, les premiers, vers qui ont peut avoir des informations sur les droits.
Après, il y a d’autres organismes qui peuvent aussi donner de l’information qui sont l’Agefiph et Cap Emploi. Cap Emploi c’est comme Pôle emploi mais pour les personnes en situation de handicap. L’Agefiph peut aider si on souhaite se former, devenir auto entrepreneur, il y a des possibilités de financements. C’est aussi un très bel organisme pour connaître les droits, pour connaître nos possibilités au niveau professionnel.
La Maison Départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH) peut également aider.
Pour ma part, la RQTH m’a bien aidé pour le licenciement. On est protégé et cela peut aussi permettre une reconversion.
Quand il y a une RQTH normalement on est orienté vers Cap Emploi, si on le souhaite, plutôt que Pôle Emploi. Cela permet notamment d’avoir des offres d’emploi réservées aux personnes qui ont une RQTH et les employeurs peuvent bénéficier d’aides. Les personnes ne sont pas non plus coupées de pôle emploi et peuvent refuser d’aller à Cap Emploi.
La maladie peut amener des compétences autour des savoir-être, qui sont très recherchés aujourd’hui. Ça va être par exemple l’adaptabilité. Je dirais la pugnacité parce que je pense qu’on a une envie féroce de pouvoir rester en poste, de vouloir être actif. C’est quelqu’un qui aura une motivation que peu auront. Il y aura aussi une preuve de résilience. Il y a une énergie aussi qui est là, il y a une force qui se développe.
C’est la rencontre avec des patients. Mon expérience à Troyes n’a tellement pas été recevable que j’ai eu une information sur la pathologie et sur les suites qui a été complètement remise en cause quand je suis arrivée au CHU de Reims. C’est-à-dire que j’ai eu une version A à Troyes et version B à Reims. Dans la version B on allait vers la vie, on continuait à travailler, on s’organisait pour travailler. Comme on me l’a dit au CHU assez fréquemment c’est ta maladie qui va s’adapter à ton quotidien et surtout pas l’inverse. Tu n’es pas malade, tu es actif. La maladie, elle est là mais tu continues de sortir. Tu continues de vivre. Tu continues de travailler. Moi, j’étais en dialyse péritonéale, c’est-à-dire que je faisais une dialyse chez moi la nuit.
J’ai continué à sortir, j’ai continué ma vie sociale, ma vie privée et ma vie professionnelle. Je ne me suis pas arrêtée de vivre. J’ai simplement adapté mon quotidien.
Et donc ma reconversion s’est faite par rapport à cela et au fait que j’ai rencontré des patients qui n’avaient pas les mêmes informations que moi non plus dans les salles d’attente. Moi, j’ai parlé de dialyse péritonéale, donc c’est une dialyse à la maison. Mais les personnes qui venaient de Troyes m’ont dit mais on ne sait pas pourquoi on ne peut pas faire la même chose. Je me suis dit que c’est anormal en tant que patient que l’on ait pas accès aux mêmes informations. Moi cela a été le moteur, je me suis dit il y a quelque chose à faire. Il y a un vrai manque d’informations. Et certains patients n’osent pas poser de questions non plus.
Je veux être un relais, un lien entre le professionnel et le patient. Entre patients on se parle quand même beaucoup plus facilement et on se confie plus aisément qu’entre patients et professionnels.
Au niveau des conseils que je peux apporter, cela dépend de la pathologie et comment elle est gérée, parce qu’il y a des pathologies chroniques qui sont plus lourdes et cela peut être plus compliqué de rester en poste.
Mais si l’employeur est bienveillant et compréhensif il peut y avoir une adaptation de poste avec la possibilité d’adapter les horaires avec par exemple la mise en place d’un mi-temps plutôt qu’un temps complet. En organisant les choses, il y a possibilité de rester dans l’emploi.
La maladie ne nous définit pas en tant qu’individu, on a des compétences, on a des savoir-faire et des savoir être. Nos compétences d’avant sont toujours là. Ce n’est pas parce qu’on est malade qu’on a moins de compétences, qu’on a moins envie de travailler, qu’on a moins envie de s’investir. Il y a beaucoup de patients que je connais qui travaillent à temps complet. Ils ont fait un mi-temps thérapeutique au moment où la maladie était plus compliquée à vivre mais après, ils sont repartis de plus belle en temps complet pour des métiers qui ne sont pas forcément aisés. Là, en l’occurrence, je pense à un ambulancier.
Il y a beaucoup de choses mais souvent il faut aller chercher l’information. C’est pour cela qu’une assistante sociale peut aussi aider. Et les associations de patients, surtout en priorité, je dirais, pour avoir vraiment toutes les informations. Ou de contacter des patients partenaires, patients experts qui sont à votre disposition.
Au niveau personnel, je prévois de changer de logement. Comme je disais, appartement, c’est bien, mais j’envisage une maison au vert avec un peu de calme. Après j’aimerai obtenir mon Diplôme Universitaire de partenariat patient.
Ensuite, il y a une offre d’emploi qui devrait se finaliser prochainement. Il s’agit d’un poste de référente au sein d’une association en éducation thérapeutique du patient. Le CHRU de Nancy prévoit également des interventions sur des programmes ETP mais en visio. Je collabore avec le réseau Nancy Santé Métropole pour des projets en ETP à destination des patients atteints de polykystose, en visio. J’interviens lors de la 4ème Journée Régionale ETP Grand Est le 17 mars 2022.
Et je mène aussi un projet de plateforme web autour du partenariat en santé. Le but étant de recenser, de cartographier patients, proches aidants partenaires ainsi que tous les acteurs étant impliqués ou souhaitant mettre en place un partenariat en santé. Il est prévu de lister également les évènements et projets qui auront trait avec le partenariat.
C’est essentiel. Petite parenthèse pour les patients qui auraient besoin d’ETP la communication n’est pas toujours bien faite. Pour mon cas, je n’ai jamais eu de programme d’éducation thérapeutique alors qu’il y en avait.
Il y a justement l’Espace Ressources ETP Grand Est qui regroupe tous les programmes qui se font sur le territoire national.
Il y a les IREPS aussi où on peut demander beaucoup de choses. Ça peut être intéressant pour des projets, même des formations. Moi c’est cet organisme qui m’a formé.
Un grand merci pour ce temps d’échange et cette mine d’informations sur les acteurs autour de la maladie chronique et du handicap.
Qui sommes-nous ?
Nous rencontrer
Numéro de déclaration d’activité :11788548478